Que ressentons-nous quand nous avons égaré ou brisé un objet symbolique dans notre famille, soit un bijou ou un pendentif transmis de génération en génération ? Peut-être que nous nous sentons exclus et déliés de notre famille, car nous n’aurons plus cet objet pour le transmettre à nos enfants et du coup plus rien à transmettre aux générations à venir. Qu’en est-il de notre Drapeau ? Est-ce une simple étoffe ou encore un symbole de rien du tout ?  En quoi est-il un héritage ? Quelle est sa vraie valeur ? Pour les Haïtiens ?  Aux yeux des autres ? 

Un marchand ambulant raconte qu’un matin de 18 mai, il étale ses produits, dont des petits drapeaux en grande quantité qu’il vend à 15 gourdes l’unité. Il attend à ce que les gens fassent la queue devant lui car selon lui la meilleure façon d’honorer son pays à cette date, c’est d’acheter un drapeau et de le flotter partout. Il s’est trompé. Les gens lui prêtent aucune attention. C’est alors qu’il se met à interroger quelques passants, leur demandant ce que signifie pour eux le drapeau haïtien. Est-ce une simple toile ?  En quoi est-ce un héritage ?  Quelle est sa valeur ? Curieux, ce marchand veut savoir ce que pensent les gens mais il n’y arrive pas. 

“Pour certains Haïtiens, un humble mouchoir de poche semble valoir plus que notre drapeau.”

Notre peuple a la fâcheuse habitude d’attendre que les autres agissent au lieu de s’engager activement. Ils se regardent les uns les autres ignorant que toutes choses dépendent d’eux, y compris l’indispensable tâche d’assurer la continuité des traditions importantes au renforcement de la nation. Négligée et dépréciée par nos compatriotes, notre propre histoire fait l’objet de cette ignorance. Quel en est le résultat ? Pour certains Haïtiens, un humble mouchoir de poche semble valoir plus que notre drapeau. Tout cela n’est que l’œuvre de l’asphyxie qu’imposent la politique de division et l’ignorance des traditions. On doit interpréter le drapeau dans son contexte propre, à savoir sa valeur comme héritage et symbole de la liberté d’un peuple qui a pu s’unir pour s’offrir l’indépendance. Bien interprété, le bicolor incarne notre devise “L’union fait la force,” ce qui veut dire exactement que la désunion nous rend faibles et vulnérables. Et il ne s’agit pas seulement de l’union avec nos frères, mais aussi avec notre passé et nos traditions, notre culture et notre héritage. Le bicolor nous lie l’un à l’autre en tant que filles et fils de Toussaint et de Dessalines. Le drapeau fait notre valeur.

Les autres nations, quant à elles, ne continueront-elles pas à voir qu’une pauvre toile bleue et rouge, si nous, enfants d’Haïti, n’honorons pas ce symbole indivisible de notre nation ? Cet emblème pur de la liberté et du courage est bâti sur le sang versé de nos ancêtres et tant d’autres combattants qui se sont sacrifiés au cours de l’histoire pour que nous soyons là aujourd’hui. Tout vrai symbole participe à ce qu’il représente. Donc, la condition de notre relation avec notre drapeau reflète sur l’état, voire la dignité, de notre indépendance. Par notre comportement envers le bicolor, nous démontrons si nous sommes dignes ou pas de notre passé, de l’indépendance acquise en 1804 ou de cette couture de Catherine Flon.

Tout en cherchant en chacun et chacune de nous comment bien représenter notre drapeau, ne cessons jamais de penser à notre pays ! Ne cessons non plus de participer activement à la réduction des problèmes quotidiens ! C’est ainsi que nous hissons notre bicolore jusqu’au plus haut sommet de la conscience haïtienne et du monde entier ! En ce faisant, on peut du coup élever notre Haïti chérie au rang des grands, car c’est en croyant que c’est possible qu’on réalise l’impossible.

“L’amour du drapeau, c’est la marque d’honneur du vrai citoyen haïtien.”

Le drapeau implique aussi un engagement pratique. Ce n’est pas seulement deux couleurs qui se rencontrent, mais deux personnes qui se tendent la main pour s’entraider, des jeunes qui se rencontrent pour rendre demain meilleur; c’est notre symbole, notre visage, notre interface, notre page d’accueil, notre identité, c’est ce texte qui incite en nous le sentiment d’appartenance à une patrie. Et pour finir, chers compatriotes, l’amour du drapeau, expression indispensable de cet esprit d’appartenance, c’est la marque d’honneur du vrai citoyen Haïtien.

Sévère Wood Jonathan & Djoulie Amílcar.